Dès les présentations, après une solide poignée de main et un regard bleu outremer franc et direct, Alexandre Burgot-Dervin, dirigeant de DB Groupe, annonce la couleur : quarante-trois ans, marié, père de trois filles âgées de cinq à dix-sept ans, né à Orléans et fier d’être Orléanais. « J’accorde une très grande importance à ma ville et je suis fan de ce qu’elle est devenue. Je l’ai vue évoluer et j’en suis ravi. » Une détermination dans les propos aussi nette que son cursus : après le bac, Alexandre a intégré une prépa Math Sup/Math Spé au lycée Pothier d’Orléans, puis l’école d’ingénieurs des Arts et Métiers à Angers, promotion 2002. Orientation qui ne fut absolument pas le fruit du hasard, mais au contraire un choix délibéré de se diriger vers une formation ouvrant la voie d’une carrière de chef d’entreprise dans l’industrie. Les « Gadz’Arts », comme on les appelle, sont en effet les plus nombreux -de toutes les prestigieuses écoles d’ingénieurs- à devenir ensuite des dirigeants d’entreprises industrielles. Détail qui n’échappa pas à l’ambition de l’étudiant : « J’ai adoré ces études. C’est une école qui vous apprend à réfléchir et à gérer les problèmes. » Malgré ce solide bagage, Alexandre poursuivra ultérieurement par une formation chez HEC en management, commerce et marketing, convaincu qu’il lui faut ces connaissances supplémentaires pour atteindre son objectif.
« …Ce qui m’a passionné, c’était de donner du sens. »
En 2005, lorsqu’il entre chez DB Groupe, la structure est encore artisanale, avec seulement une quinzaine de salariés. Alexandre s’aperçoit vite qu’il a face à lui un fort savoir-faire et des opérateurs très compétents, qui travaillent cependant sur de petites séries. Le dirigeant de l’époque veut franchir un cap, mais l’organisation ne le permet pas. Or, tout ce qui est fabriqué sur terre comporte une étiquette. Le marché est donc colossal. Passionné d'automobile et persuadé qu’une fois implanté dans ce secteur difficile à conquérir, on y reste, il investit dans le recrutement d’Alexandre, lequel prend en main le projet, qui décolle jusqu’à la crise des subprimes en 2008, impitoyable pour l’activité. L’ambiance n’est plus à l’euphorie, mais Alexandre croit en l’entreprise et décide de rentrer au capital avec l’idée d’en devenir le dirigeant au moment du départ en retraite de son patron. Les deux hommes se mettent d’accord pour se fixer un objectif à dix ans, afin que le départ se passe confortablement. Le jeune Gadz’Arts, débordant d’énergie, va relever le défi, avant de racheter l’entreprise en 2017 : « Se retrouver n° 1, président de la structure, ce n’est pas pareil qu’être directeur de production, vraiment pas. Courir partout, d’accord, mais à ce moment-là, ce qui m’a passionné, c’était de donner du sens ». Pour trouver la bonne direction, Alexandre va donc s’atteler à créer une forte identité à DB Groupe.
Avant toute chose, se demander pourquoi !
Première étape, les valeurs, que chaque collaborateur devra partager. Au programme : détermination, bienveillance, exigence, confiance, humilité… Les salariés et les nouveaux entrants ne pourront pas se contenter d’être performants dans leur travail, mais devront adhérer à ces valeurs et les respecter dans le temps. La détermination, par exemple, est déclinée lors des entretiens annuels par des notions de résilience, par l’idée de faire en sorte de ne pas baisser les bras. Le tout dans une verbalisation indispensable pour trouver les pistes d’amélioration. Deuxième étape, l’attachement à l’entreprise. En tant que dirigeant, Alexandre possède cet attachement naturel et viscéral, mais quid des collaborateurs ? Comment motiver les troupes à se lever le matin, y compris parfois soi-même ? Comment devenir un chef d’entreprise qui entraîne dans son sillage cinquante collaborateurs suffisamment motivés pour fabriquer des étiquettes ? La réponse viendra d’un certain Simon Sinek, conférencier anglo-saxon et auteur d’un best-seller : « Commencer par le pourquoi ». Pour expliquer la méthode, Alexandre Burgot-Dervin dessine le cercle d’or de Sinek sur son paperboard. Dans ce cercle à trois couches, il s’agit avant tout de s’interroger sur le pourquoi, soit trouver la raison d’être de l’entreprise. Vient ensuite le comment, soit les méthodes pour y parvenir, et enfin le quoi, soit les produits, les services, etc. Une approche totalement inversée, mais diablement efficace.
Au cœur du sens et de la motivation se trouve donc le pourquoi, et Alexandre Burgot-Dervin va se donner comme mission de créer une fondation d’entreprise pour venir en aide aux enfants malades, et demander à ses collaborateurs de s’engager dans cette voie. 95 % des salariés vont accepter le défi, les autres vont quitter l’entreprise, ne se reconnaissant pas dans une démarche trop engageante. « Sur le moment, cela fait toujours mal de perdre des collaborateurs avec qui vous travaillez depuis plus de dix ans, mais avec le recul et la maturité, je respecte beaucoup leur décision », précise-t-il.
Travailler – aussi- pour soutenir les enfants malades.
Alors concrètement, comment s’organise cette fondation ? DB Groupe regroupe plusieurs sociétés, qui emploient aujourd’hui environ une centaine de personnes. Son dirigeant est persuadé que chaque humain a la vocation d’être altruiste, mais pas souvent l’occasion ni les moyens. Depuis sa création en 2018, la fondation DB s’alimente par les bénéfices et la rentabilité de l’entreprise, grâce à la performance des employés et l’addition des compétences individuelles. Ensuite, le comité, composé de trois membres, décide de l’affectation des fonds. La fondation DB aide ainsi plusieurs associations : celle de Laurette Fugain, qui soutient la recherche médicale ; le Rire médecin, qui égaye le quotidien des enfants hospitalisés avec la venue de clowns ; Petits Princes, qui permet aux enfants de réaliser leurs rêves, et de nombreuses autres. En récompense, chaque année, des vidéos des actions faites pour et avec les enfants sont projetées aux salariés pour leur montrer à quoi sert leur investissement personnel. Des moments émouvants qui ont incité les collaborateurs à en faire encore plus… Résultat : la création d’un calendrier solidaire, véritable « carton » en interne. Chaque mois est affecté à une action concrète. Exemple, en janvier, tous les pas effectués par une soixantaine de salariés volontaires sont comptabilisés et additionnés, avec un objectif global de 384 400 pas, pour symboliser la distance de la terre à la lune. Des pas convertis en points pour la cagnotte, puis en monnaie sonnante et trébuchante, attribuée ce mois-là aux Petits Princes. « Certains vont exprès marcher le soir, courir le week-end pour atteindre l’objectif, jusqu’à 15 000 pas par jour ! Moi-même suis un peu à la traîne, trop souvent dans mon bureau. Cela crée une saine émulation, et nous avons versé 3 500 euros à l’association », précise A. Burgot-Dervin.
Un engagement financier fort, qui ne cesse d’augmenter au fil des années, jusqu’à atteindre en 2025 la somme de 100 000 euros par an. Pour Alexandre Burgot-Dervin, le cœur du réacteur réside dans ce cercle vertueux : pour satisfaire le client et assurer la pérennité de l’entreprise, il faut des collaborateurs engagés. « Le plus important, ce ne sont pas nos étiquettes, c’est ce qu’elles permettent de faire », répète-t-il à l’envi.
📷 Nata Shilo
✏️ Laurence Boléat