P.J Hellaudais est né en Suède de parents français, tous deux professeurs de physique-chimie au lycée français de Stockholm. Revenu en France à l’âge de trois ans, il effectue toute sa scolarité à Châteauneuf-sur-Loire, de la primaire jusqu’au lycée, puis ses classes préparatoires à Orléans. Diplômé de l’École Supérieure d’Ingénieurs de Rennes (ESIR), il étudie l’imagerie numérique et en particulier l’imagerie médicale, avant d’obtenir son diplôme d’ingénieur en 2013, à l’âge de 24 ans.
Depuis, le désormais trentenaire exerce un métier à consonance futuriste, apparu à la fin des années 2000 et encore peu connu du grand public : celui de data scientist. Un travail qui consiste à collecter, organiser et exploiter des bases de données - appelées big data compte tenu de leur nombre - afin de les faire parler pour apporter des éléments d’aide à la décision. Un job de précision, de réglages et de patience pour s’approcher le plus possible de la réalité, donc de la vérité.
Des débuts à sillonner le monde
Après l’ESIR, direction Paris où P.J Hellaudais commence un cursus professionnel dans plusieurs start-ups du milieu de la radiologie. Il travaille par exemple sur le Cône beam, sorte de scanner majoritairement orienté vers le dentaire, mais moins irradiant, qui permet notamment une grande précision pour la pose d’implants. Globe-trotter et touche-à-tout, ses missions sont variées, de la recherche et développement à la direction d’équipes, et couvrent plusieurs pays. Il lui arrive de faire en vingt-quatre heures l’aller-retour au Canada pour réparer la machine d’un client, et d’effectuer deux petits tours d’Europe en une semaine.
Mais tout ce parcours n’a alors qu’un seul objectif, bien calé depuis longtemps dans un coin de la tête du futur patron : créer son entreprise et avoir un impact sur la santé. Après quelques années à ce rythme effréné, P.J. est mûr pour créer en 2020 sa propre start-up, Dataofficer, avec son associé Thomas Beaulier, l’alternant qu’il avait recruté au tout début et qui l’a toujours suivi dans ses différents postes. Installée d’abord à Paris, l’entreprise déménage au LAB’O deux ans plus tard, attirée par l’écosystème et la mise en valeur de leur projet : « le LAB’O est un choix judicieux qui nous a permis de briller. À Paris, nous aurions été noyés dans la masse ». Étrangement, l’idée précise de la raison d’être de l’entreprise n’est pas venue avant la création, mais après… Il y a d’abord eu l’envie d’entreprendre, et Pierre-Jean remercie au passage le système français, qui grâce à l’ARE (Allocations de Retour à l’Emploi), a permis de démarrer la structure sans se miner le moral avec les fins de mois.
Un logiciel maison pour recueillir toutes les données radiologiques
Un premier client, en relation avec des cabinets de radiologie, va leur demander d’entraîner des modèles d’IA pour la prédiction de cancer : « Nous avons commencé à mener ce projet, mais au fur et à mesure, on s’est rendu compte que les données qu’ils nous avaient fournies étaient finalement un tas de cailloux avec certes quelques diamants, mais pas du tout normalisées pour être exploitables », se souvient P.J Hellaudais.
Tenace et capable de saisir les opportunités, le dirigeant de Dataofficer va donc concevoir un outil, nommé box, pour recueillir l’ensemble des données détenues par les centres de radiologie, puis les structurer et les anonymiser. Imagerie de radios, scanners, IRM, données de santé des patients… Toutes les informations possibles sont collectées dans cette box, qui va ensuite normaliser la donnée afin d’entraîner l’intelligence artificielle, en particulier sur l’imagerie médicale. Pour mieux comprendre, Pierre-Jean utilise l’exemple de l’avion. Pour entraîner une IA à reconnaître les avions, il faut lui fournir une énorme quantité de photos d’avions, pour qu’elle apprenne à les distinguer. Il en va de même pour les cancers. En fournissant par exemple une multitude d’images de tumeurs du sein, l’IA peut détecter les différentes formes, bénignes et malignes. In fine, le médecin obtient une aide au diagnostic qui permet de s’affranchir du deuxième lecteur (une mammographie « classique » est toujours lue par deux radiologues). Aux USA, quasiment tous les radiologues font appel à ce procédé, tandis que la France s’équipe progressivement.
Un seul examen pour détecter le cancer et les maladies cardiovasculaires
Mais le meilleur reste à venir : grâce à cette box et à leurs datasets (jeux de données) ultra performants, Dataofficer développe désormais un nouveau système de détection, mais surtout de quantification des calcifications artérielles mammaires. Des études ont en effet prouvé que leur présence augmentait les risques cardio-vasculaires. Le système Dataofficer va permettre de donner un diagnostic de risque individuel, et non plus classer la patiente dans une catégorie de pourcentage, trop vague. Une technologie qui s’adjoindra à la mammographie lors de la visite chez le radiologue, et permettra d’orienter les femmes à risque vers un cardiologue. En bref, avec un seul examen, le médecin sera capable de détecter ou de prévoir un cancer du sein, mais également s’il existe une pathologie ou un risque de développer une maladie cardio-vasculaire.
Trois box Dataofficer sont aujourd’hui implantées dans des centres parisiens du groupe Excellence imagerie, qui réalisent 120 000 mammographies par an, permettant ainsi de récupérer un volume considérable d’images et de données, pour entraîner les IA sur ce sujet, avec l’appui et l’expertise de 60 radiologues pour les conseils scientifiques.
Objectif final : booster la mise sur le marché de leur solution dès 2027 et intégrer les campagnes de dépistage du cancer du sein, auxquelles participe une femme sur deux, pour injecter dans un parcours de soin les femmes en bonne santé, donc non médicalement suivies, mais qui ne sont pas pour autant à l’abri d'un AVC ou une crise cardiaque. À la clé, de sérieuses économies pour les mutuelles et l’Assurance Maladie.
✏️ Laurence Boléat
📷 Nata Shilo