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      Environnement

      le 17/05/2024

      Net’Irrig, permettre aux agriculteurs d’économiser l’eau

      Seabex, jeune pousse prometteuse dans l’univers agricole, a déjà gagné de nombreux prix internationaux. Plusieurs pays se sont portés candidats à l’accueillir, mais c’est en France, à l’Agreen Lab’o dans la métropole d’Orléans, que ses fondateurs ont décidé de mettre leur noble ambition sur la rampe de lancement. Leur objectif : sauver l’alimentation de la planète face à la pénurie d’eau annoncée.

      Le président de Seabex, Taher Mestiri, a compris un jour que pour réaliser ses rêves, il fallait d’abord rêver, mais que pour les concrétiser, il fallait se réveiller. Et pour les vivre, l’Agreen Lab’O Village by CA Orléans s’est révélé l’incubateur idéal tant par l’écosystème riche et varié qui l’entoure, que par la proximité d’autres jeunes pousses, plongées elles aussi dans l’innovation au service d’une région agricole. Les dirigeants ont aussi été séduits par l’accueil et l'accompagnement des services d'Orléans Métropole dans la découverte exhaustive des atouts régionaux. À cela s’ajoutait la proximité de Paris !

      Partant du constat que l’augmentation de la population mondiale et la progression de l’aridité des terres engendreraient toujours plus de sous-alimentation et de famine, la gestion de la ressource en eau est devenue aujourd’hui un défi planétaire. Pour le relever, Seabex entend aider les agriculteurs, maillon le plus important de la chaîne alimentaire, à faire le meilleur usage possible de l’eau, partout dans le monde. Les études prouvent en effet qu’une imprécision d’irrigation, soit le fait de sous-irriguer ou de sur-irriguer les cultures, peut engendrer une perte de revenus jusqu’à 50 % pour l’agriculteur. Une situation qui entraine la fermeture des établissements ou des drames humains à répétition. Aider la filière à se développer et soutenir la durabilité des exploitations agricoles, tel est l’enjeu du système mis au point par la start-up.

      Des débuts contrariés

      À l’origine, Seabex a travaillé sur un capteur d’humidité des sols sans câblage capable de transmettre des informations sur le Cloud. Toutes les données techniques sous forme de schémas et graphiques étaient ensuite consultables par l’agriculteur. En 2019, l’équipe présente son prototype à l’exploitant d’une ferme d’agrumes, persuadée d’emporter l’adhésion de l’agronome en un clin d’œil, compte tenu de la performance technique. Las ! L’agriculteur les félicite pour ce produit ultra sophistiqué, mais qui ne répond pas à sa seule préoccupation : Dois-je irriguer aujourd’hui, et si oui, combien de millimètres ? « Ce fut un électrochoc, » se souvient Inès Hamida Mestiri, « notre capteur fournissait de nombreux chiffres et données, mais ne répondait pas à la question principale et toute simple que se pose chaque agriculteur ».

      Cette première déconvenue va faire avancer les choses. Premier constat, de simples capteurs ne répondent pas à grande échelle à toutes les questions que pose la croissance d’une plante. De surcroit, leur coût n’est pas supportable par toutes les exploitations, surtout dans les cas de polyculture. L’irrigation dépend en effet de plusieurs facteurs : quelle est la nature du sol de ma parcelle ? Quel est son taux d’humidité actuel ? Quelle quantité d’eau va-t-il tomber dans les prochains jours ? Quand pourrais-je revenir irriguer ? Quel est le stade d’évolution de ma plante ? « Cet agronome nous a remis à notre place et nous sommes revenus à la base : la discussion avec le client final, » ajoute Taher Mestiri« depuis, nous avons discuté avec des centaines d’agriculteurs et à chaque fois appris quelque chose.»

      Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un tour d’eau coûte entre 500 et 1.000 euros par hectare… Tout agriculteur comprend vite qu’au-delà de la préservation de la ressource, il est nécessaire d’éviter les tours inutiles qui impactent immédiatement la rentabilité de l’exploitation. En utilisant ses compétences en systèmes informatiques complexes et en les compilant avec l’expertise paysanne, Seabex va parvenir à créer une application qui n’utilise pas de capteurs et délivre en quelques secondes la quantité d’eau nécessaire pour chaque surface cultivée. À la clef, une économie d’argent, de temps et de stress pour cette profession totalement dépendante du climat.

      L’expertise de la chambre d’agriculture du Loiret

      Par chance, la Chambre d’agriculture du Loiret possède la plus grande base de données de culture en France : + de 45 espèces et + de 140 variétés sont répertoriées. Avec Seabex, les deux entités vont se compléter pour faire avancer la conception d’une plateforme qui fournira jour après jour à chaque agriculteur, quels que soient son type de culture, sa localisation et la typologie de ses sols, l’arrosage à effectuer au millimètre près.

      Deux femmes et un homme derrière une solution high tech

      Tous les trois nés à Tunis, ils ont créé Seabex en mars 2020. Parmi plusieurs pays puis différentes villes françaises, ils ont choisi la métropole d’Orléans pour la qualité d’accueil et d’écoute, l’environnement scientifique porteur et l’importance donnée à la filière agricole. Arrivés en France avec une simple valise pour les formalités de création quelques jours avant le premier confinement, ils n’ont pas pu repartir voir leurs proches avant 18 mois…

      Inès Hamida Mestiri, 40 ans, directrice administrative et financière, est détentrice d’une maîtrise en fiscalité. Dans l’entrepreneuriat depuis 2012, elle a créé sa propre société de développement de système d’information, avant d’exercer au Canada et de rejoindre dès 2015 la future équipe de Seabex.

      Amira Cheniour, 37 ans, directrice générale est ingénieur de formation. Elle travaille d’abord chez de grands opérateurs avant de rejoindre Taher Mestiri, créateur d’IT GRAPES, qui développe déjà des systèmes d’information complexes. Elle bénéficie d’une expérience de 10 ans dans les start-up et conseillera aussi le gouvernement tunisien dans la digitalisation du secteur agricole.

      Taher Mestiri, 45 ans, président directeur général, passionné de technologie depuis l’enfance, écrit ses premières lignes de code dès l’âge de 15 ans. En 2001, fraîchement diplômé, il est recruté à 25 ans pour diriger une usine de fabrication de vêtement qui emploie 120 personnes. Il est ensuite chassé par un groupe français de câblage électrique qui lui donne comme mission de réorganiser le département logistique, puis de déployer l’outil informatique dans 7 pays. En 2007, il se tourne vers l’hôtellerie en tant que directeur des opérations informatiques, avant de créer sa propre entreprise SSII, IT Grapes. Sa clientèle est internationale, mais la notoriété va venir du gouvernement tunisien qui lui confie la modernisation du service des douanes du ministère de l’Intérieur. C’est en travaillant ensuite avec la banque mondiale que Taher Mestiri approche la chaîne des valeurs agricoles et décide de lancer Seabex.

      Comment fonctionne NET-IRRIG : l’application pour une irrigation de précision ?

      Après avoir souscrit son abonnement, l’agriculteur enregistre dans l’outil les éléments suivants :

      • la référence cadastrale ou le tracé satellitaire de sa parcelle
      • la nature du sol (si l’exploitant ne le connait pas, l’outil va l’estimer en fonction de sa localisation)
      • le type de culture
      • le temps passé pour irriguer la parcelle

      Le système se connecte alors à toutes les bases de données nécessaires pour créer un jumeau numérique du lieu. Instantanément, l’agriculteur est informé de l’état de sa parcelle, des prévisions climatiques et du nombre de millimètres à arroser pour une quantité adaptée. Ensuite, il saisit chacune de ses irrigations et la plateforme ajuste au jour le jour la quantité d’eau à utiliser.

      Lancée en janvier 2023, NET-IRRIG compte un an plus tard 370 clients dans 22 régions, pour un total de 1 800 cycles de production sur une surface de 25 000 hectares, et 19 chambres d’agriculture partenaires.

      ✏️Laurence Boléat 📷 Natalia Shilo