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      Economie - innovation

      le 21/08/2024

      La start-up orléanaise Polytopoly en pole position européenne du plastique recyclé

      En 2022, la production mondiale de plastique s’élevait à 400 millions de tonnes. Un chiffre colossal, en augmentation chaque année, qui ne cessera pas de croitre tant le plastique fait aujourd’hui partie de nos vies, sur tous les continents. Fabricants et utilisateurs s’interrogent sur cette marche folle, d’autant que seulement 9,5 % de cette production est issue du recyclage. Au Lab’O d’Orléans, l’entreprise Polytopoly aide l’industrie à incorporer des plastiques recyclés dans ses conceptions. Objectif : devenir le leader européen de la distribution de ces matériaux.

      Economie - innovation

      Pour bien comprendre le positionnement de Polytopoly sur le marché du plastique, il est d’abord nécessaire de distinguer deux filières de fabrication. D’abord celle du plastique vierge, principalement des polymères qui sont fabriqués à partir du pétrole et représentent environ 90 % de la production. Avec lui, pas de surprise, les compositions sont bien répertoriées, ce qui facilite et sécurise le travail des utilisateurs, que ce soit les fabricants d’emballage, l’automobile, le bâtiment… Bref, à peu près tous les secteurs industriels, il suffit de regarder autour de soi, le plastique est partout.

      Vient ensuite la filière du plastique recyclé (un peu moins de 10 % de la production mondiale), au sein duquel il n’existe pas un plastique, mais plusieurs sous-familles de plastique. Par exemple, un flacon de shampooing, fabriqué à partir de plastiques recyclés plusieurs fois, ne possède pas les mêmes caractéristiques que son grand-frère, entré dans le recyclage plus tôt, ou avec des origines différentes. Ce qui signifie que chaque nouveau lot de plastique issu de plastiques recyclés génère un nouveau lot totalement singulier. Il est donc très compliqué pour les plasturgistes de s’y retrouver dans la jungle des produits plus ou moins (bien) recyclés et de les analyser tous afin de trouver celui parfaitement adapté à l’utilisation prévue. Une difficulté qui constitue un véritable frein à se tourner vers une économie circulaire.

      Déjà 600 produits disponibles pour les plasturgistes

      Rien qu’en Europe, il existe des milliers de recycleurs qui achètent des déchets plastiques dans les centres de tri. Mais ces derniers n’effectuent pas ces tâches de la même façon, même si le premier enjeu consiste à effectuer un tri systématique et rigoureux. Polytopoly est capable, au sein de son laboratoire d’Orléans, d’analyser les lots de plastique qu’on lui soumet en un temps restreint, et de les proposer dans un catalogue contenant aujourd’hui plus de 600 produits avec leurs fiches techniques, en partenariat avec 150 recycleurs sélectionnés. Le plasturgiste qui conçoit un nouvel objet peut donc faire appel à la start-up orléanaise pour trouver la matière qui correspond à son application, sans avoir à faire la tournée des milliers de fournisseurs. Contraintes techniques, objectifs, récurrences de leur besoin, tout est passé au crible par Polytopoly. Ensuite, plusieurs références sont proposées, afin d’effectuer des tests. Lorsque le client achète son camion complet, Polytopoly s’occupe aussi de toute la logistique et effectue en amont un contrôle qualité à son départ, grâce à ses partenaires spécifiques et à son maillage de prestataires opérationnels partout dans le monde. Un échantillon est envoyé dans son laboratoire d’Orléans pour analyse immédiate et validation auprès du plasturgiste avant la livraison.

      Créé en 2018 par Marine Charrier et Édouard Garreau, Polytopoly a su convaincre les investisseurs, aussi bien français, qu’européens. « Édouard possède une vision très aiguisée de ce marché et de son évolution, alors que de mon côté, en tant que directrice générale, je gère l’entreprise dans son quotidien et dans son financement. L’enjeu d’une start-up est double : celui du produit que vous vendez, et celui de votre entreprise qui est aussi un produit financier », souligne Marine Charrier. Les deux associés ont ainsi bien compris que leur croissance ne devait pas être seulement rapide, mais pérenne. Une vision structurée, sans doute issue des études de psychologie et de philosophie, passion qui a permis à la directrice générale de devenir chasseuse de têtes, avant de découvrir l’univers du plastique. La rencontre avec Édouard Garreau, qui disposait d’une forte expérience dans le secteur, porteur d’un projet avec des solutions environnementales, collait parfaitement avec l’idée d’entreprendre de Marine Charrier, sensibilisée par un arrière-grand-père qui avait lui-même créé une société de recyclage de tissus. 

      Au départ, il fallut passer beaucoup de temps à auditer le marché, rencontrer des dirigeants, des investisseurs, des pôles de compétitivité, des syndicats, pour bien comprendre la problématique. Nombre d’injonctions, quelles soient réglementaires, marketing ou incitatives sont données aux industriels pour intégrer du recyclé dans leur production, mais sans leur donner les possibilités de le faire ! L’idée d’Édouard Garreau fut donc de leur donner les moyens de faire ce qu’ils souhaitaient. Le business modèle s’est ensuite précisé, d’abord sur la France et l’Europe, avant de s’élargir aujourd’hui au monde entier, notamment en Asie, qui fabrique la moitié de la production mondiale. 

      Un laboratoire accrédité au niveau européen

      La pousse française, qui possède aujourd’hui une avance indéniable sur ses concurrents, intéresse au plus haut point les pétrochimistes, sommés de préparer un avenir moins polluant et décarboné. Des compétences majeures et reconnues sur tout le territoire européen, boostées également par l’expertise de son propre laboratoire, accrédité par RecyClass, la certification européenne du plastique recyclé. Ainsi, Polytopoly est également prestataire de service : la société délivre des conseils en éco-conception aux marques qui en ont besoin, intervient comme expert dans les litiges industriels, pratique la caractérisation et possède un programme de recherche et développement. 

      Une grande chance pour la métropole d’accueillir en son sein une entreprise tournée vers des solutions environnementales qui concernent l’avenir de nos océans, réceptacles ultimes de nos déchets plastifiés. Venus de Paris, mais originaires de la région Centre, les deux créateurs ont choisi Orléans, territoire propice à la logistique de proximité, qui leur a offert des outils réels et concrets pour leur communication. Ils ont ensuite découvert le Lab’O en co-working, lieu qui a immédiatement prouvé sa pertinence, avec comme ultime intérêt une véritable proximité avec les acteurs du financement local : « Ils possèdent cette compétence de connaître parfaitement les dossiers sur lesquels ils travaillent, comprennent nos enjeux et se font le relais des bons conseils. Nous n’aurions jamais connu ça à Paris » constate Marine Charrier. 

      L’étape suivante pour devenir leader européen est désormais enclenchée. Polytopoly multiplie les partenariats avec les plus grosses structures de distribution du plastique pour développer sa force de vente et consolider sa position sur le marché. Pour autant, Edouard Garreau n’oublie pas la somme de travail qu’il a fallu pour parvenir à ce stade ni le chemin qu’il reste à parcourir.

      ✏️ Laurence Boléat 📷 Natalia Shilo